Sabine Blanc

journaliste web

Vidéosurveillance : les bons conseils d’Alain Bauer sont tombés dans l’oreille d’un sourd

Ce jeudi, Arrêt sur images a consacré son débat à la vidéosurveillance, j’y suis intervenue en compagnie d’Alain Bauer, Dominique Legrand, président de l’association nationale de la vidéprotectionde (AN2V), un lobby de la vidéosurveillance, et de mon ancien confrère d’Owni Jean-Marc Manach. Un échange fort instructif puisqu’il a permis d’apprendre qu’Alain Bauer, présenté comme le M. Sécurité de Nicolas Sarkozy,, président de la commission nationale de la vidéosurveillance de 2007 à 2011, une période où les caméras de voie publique étaient grassement subventionnées, n’a rien pu faire contre ce déploiement qu’il juge lui-même déplorable :

Alain Bauer : « Je suis d’accord pour dire que les caméras sont mal placées, que les analogiques ne servaient à rien et que la quasi-totalité du parc, jusqu’au plan vidéo de Paris, la seule exception connue jusqu’à présent, a été installée dans les conditions les plus ahurissantes qui soient.
Peut-être serait-il mieux dépensé si on installait les caméras intelligemment et en fonction d’une cartographie qui tient à peu près la route. […]

Le problème, c’est qu’aujourhui aucune étude n’est scientifiquement fiable, pas plus celle de l’IGA, une commande politique visant à justifier tout et d’ailleurs le changement de ministre amène l’IGA à dire aux gens l’inverse de ce qu’elle disait à l’époque. »

Daniel Schneidermann : « À une époque à laquelle vous aviez l’oreille de Nicolas Sarkozy et des ministres de l’Intérieur successifs… »

Alain Bauer : « Oui et j’ai moi-même dit que le rapport de l’IGA était à mettre à la poubelle, moi je souhaitais un rapport qui soit fait par Tanguy Le Goff et Eric Heilmann (cataloguées comme “opposants” ndlsb), qui a été commandé par la commission nationale de la vidéosurveillance, un budget a été voté, mais l’appel d’offre n’a jamais abouti pour des raisons que je ne connais pas moi-même. […]

Levallois, on a installé des caméras, on s’est demandé après à quoi ça pouvait servir, c’est le contre-exemple absolu de gaspillage parfait et ça a été la référence historique. »

Daniel Schneidermann : « Vous avez dit tout ça au ministre de l’Intérieur ? »

Alain Bauer : C’est pour ça qu’il l’a fait (le plan vidéo de Paris), le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, qui était avant le directeur général de la police nationale, il a tiré les conclusions des plans précédents qui étaient des plans quantitatifs, il fallait mettre des caméras pour mettre des caméras, selon la méthode Levallois. La RATP, avec Alain Caire (ancien directeur de la sécurité, ndlsb), a eu la même pratique. »

Les opposants aux caméras fustigent son côté « Big Brother », il me semble qu’au contraire, le problème c’est que ce n’est pas Big Brother, sinon leur utilité ne serait pas en débat et on pourrait parler de vidéoprotection sans tomber dans la novlangue. En revanche, la vision des caméras du futur évoquée par Dominique Legrand a de quoi faire frissonner :

« La grande idée serait que la caméra indexe ce qu’elle voit, ça va poser des problèmes potentiels, je dis bien potentiels, d’aspects liberticides. La caméra code ce qu’elle voit, elle code une personne de forte corpulence, de grande taille, gros, un Noir, un Blanc, à lunettes. On l’a bien vu avec l’affaire de Berck et du tireur de Libération, ces personnes étaient des citoyens tout à fait « normaux » une heure avant, il est impossible de les encrypter dans les caméras au préalable. »

On imagine mal le Conseil constitutionnel valider un tel système, de même qu’il a censuré le fichier des « honnêtes gens ».

Alain Bauer a aussi martelé que l’emploi du terme « vidéoprotection » ou « vidéosurveillance » n’avait rien à faire avec le fait qu’on était pour ou contre cet outil, mais que c’était une distinction, inscrite dans la loi, entre système dans l’espace public et dans la sphère privée. Pourtant, sur le site même de l’Intérieur, on trouve les deux termes :

Bon le meilleur, c’était à la fin, la discussion est partie en vrille, avec la mise en accusation de Facebook, ce qui est, me semble-t-il, un autre débat que le sujet de fond autour des caméras, la prévention de la délinquance et les politiques sécuritaires, cf cet article de Manhack. Le propos, jusqu’à présent précis, se fait flou comme une discussion entre le fromage et la buche à Noël :

Soit deux mots à la mode dans une phrase qui ne veut rien dire, bref, je grimace en protestant, ce qui a énervé Alain Bauer, il a estimé que je lui parlais mal et me qualifie de « journaliste militante », procédé classique pour disqualifier un contradicteur. J’ai surtout creusé un peu plus que lui le sujet des hackers, mais c’est un détail.

6 décembre 2013

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.