Sabine Blanc

journaliste web

Un « flic de supermarché » héros d’un téléfilm sur la surveillance

La semaine dernière, France 2 a diffusé Surveillance, un téléfilm qui traitait de mes marottes journalistiques, vidéosurveillance et sécurité privée (merci au blog 83-629 de l’avoir signalé). Adapté d’un roman de Régis Serange, Flic de supermarché, cette fiction renvoie à une actualité bien réelle, pour peu qu’on supporte le jeu médiocre des acteurs, des invraisemblances de scénario XXL et une réalisation plate.

Déjà, Pierre, le héros, est au départ un simple vigile, « un flic de supermarché » comme lui jette à la figure son supérieur après qu’il a outrepassé ce que son statut l’autorise. Si vous connaissez d’autres œuvres dont le personnage principal exerce ce boulot ingrat, je suis preneuse de références. C’est un prolo de la surveillance, comme il en existe des dizaines de milliers en France, exerçant dans une zone commerciale sinistre (voir Le grand soir à ce sujet, sur un registre plus LOL, avec déjà les images de caméras de vidéosurveillance intégrées dans la réalisation). Il fait ce boulot non par choix mais pour pouvoir enfin avoir son appartement et récupérer la garde de son fils : « et ça te plait comme boulot ? », lui demande Léa, la jolie caissière. « C’est du boulot », répond-il.

Pierre est un de ces agents de sécurité privée (ASP) dont l’Etat a besoin pour répondre aux besoins sociétaux de sécurité, conviés à participer à la « co-production de sécurité » depuis la LOPS de 1995, mais qui restent invisibles. Vous dites souvent bonjour aux ASP de votre supermarché ? D’ici quelques années, leur nombre dépassera pourtant celui des policiers et gendarmes. Ils étaient quelques milliers au début des années 80, ils sont aujourd’hui environ 160 000 contre 240 000 policiers et gendarmes.

Pierre, le héros, au début de la fiction, fait le sale boulot : il amène dans le bureau du directeur de la sécurité (François Berléand, en roue libre dans le rôle du salaud, as usual) un couple qui a vole. « Objectif 0 démarque ! », Pierre se prend au jeu.

Mais il reste un subalterne comme un autre, un petit surveillant lui-même surveillé par les caméras qui quadrillent le supermarché où il bosse. « Oh tu te crois sur l’île de la tentation », s’entend-il dire à l’oreillette alors que son regard s’attarde sur Léa.

Même quand il fait son boulot, il est sous l’oeil des caméras. Bon, il outrepasse déjà un peu-beaucoup ses prérogatives : un ASP n’a pas le droit de prendre en poursuite et de plaquer au sol comme il le fait des voleurs présumés.

Promu à « l’aquarium », le centre de supervision, Pierre est initié au visionnage par le chef de la sécurité en trois minutes. Cette scène semble anodine, elle renvoie pourtant à un problème souligné par le chercheur Tanguy Le Goff, entre autres : le manque de formation des opérateurs de vidéosurveillance et le regard discriminant qu’ils portent. « Tiens suis-moi le blackos, lui lance son chef, après l’avoir fait zoomé sur une fille. Tu te rendras vite compte que les mecs qui volent n’ont pas la gueule de l’emploi tu as les retraités bien habillés, les mères de famille, les mômes, les riches les pauvres, tout le monde vole. »

Son chef lui montre alors son aquarium privé, qui filme même les endroits où les caméras ne sont pas déclarées. Il découvre ainsi que ses ébats dans la réserve ont été filmés. Toilette, vestiaire, rien ne lui échappe. « C’est légal ? », demande naïvement Pierre. « Lé-quoi ? » ironise son chef. Voilà qui rappelle une décision récente de la Cnil, qui a mis en demeure le Leclerc de Bourg-en-Bresse pour « surveillance excessive » : « 240 caméras dont 180 sont destinées à la surveillance du centre commercial. Les 60 autres sont installées aux caisses de l’hypermarché et filment les caddies et les articles scannés.

La Présidente de la CNIL a jugé que ce dispositif était disproportionné au regard des principes Informatique et Libertés du fait de son ampleur et dans la mesure où il filme les accès aux toilettes, aux vestiaires, au cabinet médical et aux salles de pause des salariés. Il permet également de placer des salariés sous surveillance permanente alors qu’ils se situent à leur poste de travail. Elle a également constaté que contrairement à ce qui avait été indiqué à la CNIL, ce dispositif était utilisé pour contrôler les horaires des salariés puisque certaines séquences vidéo extraites du dispositif concernent des salariés au moment de leurs pointages. »

Flatté des responsabilités qu’on lui passe, Pierre accepte de fliquer un délégué syndical, qui finit par se suicider. Photos, caméras, micro, tout y passe, même l’ordi, comme ce salarié n’a pas eu la chance d’assister à un café vie privée. Un épisode qui rappelle l’affaire d’espionnage-harcèlement par Ikea. Un syndicaliste CGT avait été particulièrement ciblé.



A la fin, la morale est sauve, le petit fliqueur fliqué flique les fliqueurs en chef et démonte leur trafic.

30 octobre 2013

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